Après avoir visité la capitale, Tunis, nous continuons notre voyage vers le sud de la Tunisie. Nous ne nous arrêtons ni à Hammamet, ni à Djerba, ni dans aucune station balnéaire de la côte. C’est la région désertique de Tataouine qui nous attire, avec ses magnifiques reliefs ocres, ses traditions berbères en voie de disparition, et ses villages troglodytiques perchés sur des collines. La région de Tozeur, avec ses palmeraies et ses oasis, fera l’objet d’un autre article.
De Tunis à Tataouine, en passant par Sfax
Depuis Tunis, nous décidons de louer une voiture avec Tunisie Cars pour explorer la région. Plutôt que de prendre le train pour Sfax, nous optons pour cette solution afin de rendre notre voyage plus confortable et flexible. La voiture, en excellent état, nous permet de voyager à notre rythme, sans les désagréments des trains bondés et inconfortables. Grâce à Tunisie Cars, notre trajet se déroule sans encombre et nous atteignons notre destination dans les meilleures conditions.
Tataouine-les-Bains
À Tataouine, nous séjournons chez un couple charmant qui a eu la brillante idée de nommer leur auberge « Tataouine-les-Bains », un clin d’œil au terme français signifiant « bout du monde ». Mabrouk, le propriétaire, est un retraité volubile avec une perspective lucide sur notre époque. Admirateur de José Bové et partisan des Gilets jaunes, il espère que la prochaine révolution française contribuera à freiner la folie du capitalisme mondial.
Fatma, plus réservée, nous prépare chaque soir un festin. Bien que nous soyons ses premiers végétariens, elle s’adapte avec aisance. Par exemple : soupe, bricks à l’œuf, salade composée, riz à la cardamome et fraises en dessert. Un véritable régal !
La ville de Tataouine elle-même ne nous paraît pas très intéressante, étant simple et dépourvue d’un véritable centre animé. En revanche, les collines environnantes invitent à l’exploration.
Le premier soir, nous décidons de nous aventurer au hasard à travers les courbes sinueuses des routes locales. Notre exploration nous conduit rapidement à découvrir de superbes paysages, dont la beauté est intensifiée par les couleurs vives du coucher de soleil.
Peu de touristes choisissent de passer la nuit dans la région de Tataouine, et en général, peu de visiteurs explorent indépendamment le pays du jasmin. La plupart optent pour des séjours à Djerba, participent à des excursions en minibus, visitent rapidement, puis repartent aussitôt. En conséquence, les Tunisiens manifestent une curiosité naturelle à notre égard et nous abordent facilement. Par exemple, lorsque nous nous arrêtons en bord de route pour prendre des photos, ils ralentissent pour s’assurer que tout va bien.
Les Tunisiens nous demandent toujours d’où exactement en France nous venons, ce qui nous surprend par leur connaissance géographique approfondie de notre pays. Combien de Français pourraient en situer plus de trois villes tunisiennes ?
Un autre phénomène amusant se produit pendant le Ramadan : la dernière demi-heure avant la rupture du jeûne est connue comme « l’heure des hommes et du pain ». Des dizaines d’hommes sortent alors en masse pour acheter du pain. Et il serait erroné de penser que les Tunisiens ne savent pas faire du bon pain ; un nombre impressionnant de boulangeries en France sont tenues par des Tunisiens, dont certaines fournissent même l’Élysée !
Les villages berbères de Douiret et Chenini
Douiret et Chenini constituent la principale raison de notre visite dans la région. Ces deux villages berbères fascinants, perchés sur leurs collines respectives, sont chacun à une demi-heure de route de Tataouine et à une demi-heure l’un de l’autre. En ce magnifique mois de mai, le soleil déploie déjà toute sa vigueur. Pour l’éviter, nous partons de bonne heure le matin pour Douiret. Les paysages évoquent vaguement ceux de Monument Valley, avec des palmiers à la place des cactus et des ânes errants comme substitut des mustangs. Douiret n’est pas une destination très prisée. À notre arrivée, nous découvrons un village complètement désert. Aucun panneau indicateur, aucun parking, aucun visiteur en vue ; il ne reste que des ruines, quelques maisons aux fenêtres encore debout, et deux petits hôtels qui semblent fermés. Nous remarquons également la présence de rats qui se faufilent entre les pierres, mais ils restent heureusement à distance. Cela nous fait mieux comprendre pourquoi les Tunisiens prennent tant soin des chats dans d’autres régions du pays. Ce village fascinant regorge d’histoires à raconter, avec ses maisons semi-troglodytiques, son château perché au sommet de la colline et les vestiges de cultures bordant la rivière. C’est dommage que personne n’ait les ressources nécessaires pour restaurer ces trésors aujourd’hui. Les habitants ont déménagé vers des habitations modernes dans un nouveau Douiret, situé un kilomètre plus bas. Seule la mosquée reste soigneusement entretenue, éclatante de blancheur au milieu de toutes ces vieilles pierres. Nous entamons une petite randonnée le long de l’ancien sentier reliant Douiret à Chenini. La première partie est agréable, avec notre départ du vieux village de Douiret pour nous enfoncer dans une vallée paisible, ponctuée de quelques oliviers et palmiers. La sécheresse est telle que notre peau commence à tirer légèrement et nos narines se dessèchent. Heureusement, cela diminue la sensation de chaleur, particulièrement agréable avec la légère brise qui nous effleure doucement. La sécheresse est telle que notre peau commence à tirer légèrement et nos narines se dessèchent. Heureusement, cela diminue la sensation de chaleur, particulièrement agréable avec la légère brise qui nous effleure doucement.
Nous gravissons une colline aussi aride que l’air et dévalons de l’autre côté, révélant un panorama qui s’ouvre sur une vaste vallée. Après 2h30 de marche et juste avant d’atteindre Chenini, nous croisons une mosquée avec un minaret légèrement penché, connue sous le nom de mosquée des Sept Dormants. Quant à la légende qui entoure ce lieu, nous préférons ne pas la dévoiler afin de laisser au guide local le plaisir de la raconter, mais la visite en vaut la peine. Mohammed nous abreuve généreusement d’explications sur la culture et les traditions berbères. Après un dernier virage et une zone où les déchets à ciel ouvert servent de matériaux de nidification pour les oiseaux, nous arrivons enfin à Chenini.
À Chenini, contrairement à Douiret, nous constatons qu’il y a moins de rats et sommes donc plus enclins à explorer le village. Nous montons ici, descendons là, mais la chaleur nous oblige à ralentir notre rythme. Étendu comme son voisin Douiret sur le flanc d’une colline, Chenini semble toutefois mieux entretenu, abritant encore cent cinquante familles. Nous apercevons des maçons et leurs ânes en train de restaurer les murs de pierre. Les touristes sont également plus nombreux, un restaurant nommé Mabrouk reste ouvert pendant le Ramadan et nous y faisons une halte. Ensuite, nous trouvons facilement un taxi pour retourner à Douiret (30 dinars / 8,90 €), où nous récupérons notre voiture. D’ailleurs, la route entre les deux villages est particulièrement pittoresque sur les premiers kilomètres après Chenini. Pour admirer les deux villages troglodytiques sous une lumière plus douce, nous décidons de les revisiter le lendemain en fin de journée. Cette décision s’avère judicieuse, car les paysages deviennent tout simplement époustouflants ! Nous commençons par Douiret, ses teintes roses au crépuscule lui donnant un charme particulier, et nous y trouvons toujours aussi peu de monde.
Étonnants ksour et ghorfas
La région de Tataouine nous réserve encore de belles découvertes avec ses ksour. Ksour, qu’est-ce que c’est ? Ce sont d’anciens greniers qui avaient une fonction vitale pour la survie des villages à travers tout le sud de la Tunisie. Aujourd’hui, ces structures sont préservées pour leur architecture remarquable. Notre visite du ksar Ouled Soltane (un ksar, plusieurs ksour) nous a tout simplement époustouflés. Nous pénétrons dans une cour où des dizaines, voire des centaines de portes de taille réduite s’empilent, évoquant un village pour enfants acrobates ou une ruche pour insectes géants. Chaque porte représente un ghorfa (grenier), et chaque famille possédait quatre de ces ghorfas pour entreposer leurs récoltes : orge, blé, olives et dattes. Nous sommes littéralement captivés par ce lieu, l’un des plus remarquables de Tunisie. Nos photos ne parviennent pas à rendre pleinement justice à sa beauté.D’ailleurs, l’architecture vous semble peut-être familière ? C’est peut-être parce que… vous avez déjà vu quelque chose de similaire ? Par exemple, cette image ? Le sud de la Tunisie a largement inspiré la planète Tatooine dans les films Star Wars, à commencer par son nom, « Tatooine », et les nombreux lieux de tournage qui abondent à travers la galaxie. En comparaison, les « greniers contemporains » à la sortie du ksar n’ont pas le même charme !
La route de Tataouine vers Tozeur : vieux villages et vues panoramiques
Après un séjour de trois nuits sur place, nous quittons la région de Tataouine en direction de l’ouest. Sur notre chemin, nous faisons étape dans un autre ksar appelé Hallouf, qui domine un paisible village. Comme souvent en Tunisie, l’accès au site touristique est gratuit, mais un guide nous aborde dès notre entrée sans prévenir et nous accompagne tout au long de la visite. Cependant, outre ses explications enrichissantes, il nous informe qu’il est seul responsable de l’entretien et de la restauration des ghorfas, qui nécessitent une attention particulière. Bien que moins impressionnant que le ksar Ouled Soltane, Hallouf reste néanmoins pittoresque à sa manière. Nous recommandons vivement la route de Toujane, réputée pour ses panoramas grandioses offrant la mer à perte de vue et quelques villages antédiluviens qui pourraient facilement servir de décors de film.
Conclusion
Notre périple dans la région de Tataouine nous a offert des découvertes exceptionnelles, des villages troglodytiques aux ksour remarquables, témoins d’une histoire riche et d’une architecture unique. Malgré les défis rencontrés, comme la chaleur intense et parfois l’isolement des sites, chaque étape a été enrichissante grâce à l’accueil chaleureux des Tunisiens et à la beauté saisissante des paysages. Pour ceux qui envisagent de visiter le sud tunisien et faire des excursions au départ de Djerba , nous recommandons vivement de contacter l’agence Djerba Guide. Leur expertise et leur connaissance approfondie de la région vous permettront de découvrir pleinement tous les trésors cachés et les merveilles que cette partie du pays a à offrir.